Conseils,  Langue & Culture

Comment enseigner sa langue maternelle à son conjoint

L’art de faire des phrases faciles à comprendre et à mémoriser

Tout votre travail d’enseignement va consister à parler votre langue maternelle d’une manière correcte mais simplifiée, qui va se baser sur ce que connait déjà l’élève pour y ajouter de la nouveauté petit à petit et ainsi faciliter la mémorisation. Au fur et à mesure que l’élève progresse, vous ajouterez de plus en plus de complexité (toujours en se basant sur ce qu’il/elle sait déjà) pour vous rapprocher de la langue que vous parlez entre locuteurs natifs.

Restez simple

La première chose est de s’en tenir à des phrases courtes et simples : pas de longues descriptions, de phrases à virgules, de temps complexes ou autre. Un sujet, un verbe et quelques informations supplémentaires (temps, lieu, adjectif…).

Commencez également par parler au présent et de choses concrètes : la météo, la nourriture, ce qui se passe autour de vous… Évitez les sujets abstraits comme les émotions, les suppositions et ainsi de suite. Vous les ajouterez plus tard, en même temps que les temps plus complexes, quand votre conjoint(e) parviendra à suivre une conversation basique.

Attention cependant : il peut être très difficile de dire les choses simplement ! Prenez le temps de formuler votre phrase dans votre tête avant de la prononcer et de la répéter plusieurs fois. Si vous dites quelque chose et le modifiez trois fois, votre interlocuteur ne va rien mémoriser.

Notez par contre qu’employer des expressions ou du vocabulaire familiers n’est pas un problème : s’il s’agit d’un langage utilisé au quotidien alors votre compagnon/compagne doit le connaitre ! Expliquez simplement dans quelles circonstances il est utilisé.

Répétez, répétez, répétez

Ensuite, parlez à vitesse réelle : votre partenaire doit apprendre la langue telle qu’elle est parlée par les natifs, pas une version d’école où l’on détache chaque syllabe.

Cependant répétez chaque phrase une deuxième fois plus lentement pour aider à identifier les mots, puis répétez à nouveau à vitesse réelle. Cela va aider l’élève à associer la phrase à sa prononciation correcte tout en détaillant les mots qui la composent (et qu’il/elle connait peut-être déjà).

De la nouveauté, oui ! Mais pas trop…

Enfin, la règle générale est de ne pas utiliser plus d’un ou deux mots inconnus par phrase. Cela vous permettra d’enseigner du neuf sans perdre votre conjoint(e), qui comprendra 80% de ce que vous direz et pourra se concentrer sur ce qui lui manque. Au-delà de cette limite en revanche, il/elle ne vous comprendra pas et risque d’abandonner.

Prononcez donc votre phrase une fois, arrêtez-vous au mot difficile, répétez-le, traduisez-le puis reprenez la phrase depuis le début et poursuivez. Cela aidera le cerveau de votre partenaire à mémoriser le nouveau mot et sa traduction.

Exemple : « Je ne suis jamais malade »
Imaginons que votre partenaire ne connaisse pas le mot « jamais » et que votre langue commune soit l’anglais. Ce que vous allez dire ressemblera à : « je ne suis jamais, jamais, never, je ne suis jamais malade. » (marquez une pause après chaque virgule)

Toutefois puisqu’il peut être difficile d’avoir une conversation en se limitant à des phrases ne contenant pas plus de deux mots inconnus, pensez aux deux astuces suivantes :

Reprenez le vocabulaire et les expressions qu’utilise l’élève, même s’ils ne sont pas entièrement corrects : au moins votre interlocuteur les comprend et cela vous permettra de faire des phrases plus complexes.
Exemple en français : ma compagne disait « je pense tu aimes… » au lieu de « je pense QUE tu aimes… » et je réutilisais cette tournure de phrase pour simplifier la compréhension.
Utilisez des mots qui sont similaires dans leur prononciation entre la langue commune que vous utilisez et votre langue maternelle et qui veulent dire la même chose (les cognats). Même si vous utiliseriez plus spontanément un synonyme, employez des cognats pour que l’élève devine le sens du mot et suive la phrase, réduisant ainsi le nombre de mots inconnus. Attention par contre à éviter les faux-amis (ces mots qui ont une prononciation proche mais un sens différent) !
Quelques exemples de cognats français-anglais :
• Utilisez « sofa » au lieu de « canapé » (même si ce dernier est bien plus usité).
• Utilisez « célébrer » au lieu de « fêter » (même si, à nouveau, ce dernier est plus commun).
• Utilisez « difficile » plutôt que « dur ».

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3 commentaires

  • Marie

    Je témoignerai simplement en qualité de maman : la compagne de mon fils étant étrangère. Notre première rencontre était chaleureuse mais accompagnée par mon fils qui devait intervenir car mon niveau d’anglais était médiocre. Mais en moins d’un an non seulement nous pouvions communiquer de vive voix, par skype mais la chaleur et l’accueil qui est ressorti de cette relation est fantastique. Non seulement ma belle fille trouvait une autonomie en venant en France, mais elle attirait le sourire, la sympathie des commerçants, des personnes qu’elle rencontrait. Quand à sa place dans la famille elle est tout à fait particulière. Je pense que cet apprentissage renforce la découverte de la culture de l’autre, le respect pour ce qu’il est et donne la possibilité à la personne étrangère de prendre une place à part entière dans sa belle famille.
    Au quotidien c’est peut être un vrai travail, mais je peux témoigner de fous rires, de situations drôles, de chaleur et de respect tant pour celui qui enseigne que pour celui qui apprend

  • Fanny

    Bonjour, mon partenaire est anglais et j’essaye de lui apprendre le français mais la plus grande difficulté est la conjugaison des verbes. Pour chaque verbe il faut apprendre 6 conjugaison rien que pour le présent. Je me demande donc si il vaut mieux que l’on parle à l’infinitif ( ex: je être content ) pour aller plus vite quitte à ce que ce soit incorrect ou bien continuer à utiliser les conjugaisons qui tendent à l’embrouiller.
    Vous dites que l’important c’est la compréhension et donc avec l’infinitif je comprends mais si je parle normalement il ne va plus me comprendre ( surtout pour les verbes irréguliers donc la conjugaison ne ressemble pas du tout à l’infinitif ) merci de vos conseils très appréciés

    • David Gay-Perret

      Bonjour Fanny et merci de votre commentaire !
      Mon conseil est le suivant : laissez-le employer l’infinitif jusqu’à ce que ce soit bien rentré. Certes il faudra casser l’habitude après coup mais d’expérience c’est beaucoup plus facile que de tenter d’enseigner les conjugaisons et ça vous permettra d’avancer. Sinon il va se retrouver bloqué à chaque phrase (exactement le syndrome de l’apprentissage scolaire) et n’apprendra rien. Après tout même si les verbes sont importants, il y a beaucoup d’autres éléments à apprendre donc mieux vaut une méthode imparfaite mais qui marche et permet de communiquer et de poursuivre l’apprentissage d’autres éléments en s’amusant plutôt qu’un enseignement précis mais rébarbatif et qui bloque tout le reste.
      PAR CONTRE je vous encourage à employer les verbes correctes. Ma méthode se base sur le mimétisme : vous devez donc donner le bon exemple. L’idée est qu’il va comprendre votre phrase bien avant de pouvoir la formuler par lui-même mais après suffisamment de temps il commencera à la copier. Vous aurez alors une situation assez drôle ou certaines phrases sont parfaites car copiées, et d’autres avec le même verbe mais mal/pas conjugué car construites par lui-même ! Mais de là il vous suffira d’expliquer rapidement la grammaire pour ajuster.
      Et si vous tombez sur un verbe complexe essayez de le remplacer par un autre déjà connu OU proche de l’anglais OU dont la forme conjuguée n’est pas très éloignée de l’infinitif (tout le 1er groupe par exemple). Si tout échoue, débutez votre phrase jusqu’au verbe en question, traduisez-le, répétez la phrase et terminez-la. Par exemple avec le subjonctif ça donnerait : “il faut que j’aille – go – il faut que j’aille au supermarché”.
      Souvenez-vous : ayez patience. Cette méthode est longue, il faut répéter plusieurs fois, avancer, revenir pour ajuster… Comme un dessin : on ne dessine jamais tous les détails d’un cm² avant de passer au suivant. On dessine les grandes lignes de toute l’image, puis on repasse, on affine, on ajoute les détails, on peaufine…

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