Conseils,  Langue & Culture

Comment gérer au mieux les réunions multiculturelles et multilingues

Quelques spécificités des réunions multiculturelles et multilingues et les risques associés

Des langues différentes

La première chose à considérer dans le cadre de réunions multilingues et multiculturelles est sans doute la différence entre les langues parlées par les participants. Il s’agit là d’un élément concret, facile à identifier (il suffit que les participants ouvrent la bouche !) et à l’impact immédiat : si l’on ne parle pas la même langue on ne se comprend pas. Et c’est aussi pour cette raison que c’est sans doute l’aspect le moins problématique : puisque les difficultés liées à des langues différentes sont si évidentes, les participants essayeront toujours de les adresser et il existe de nombreuses solutions très répandues (cours de langue, interprétariat, traduction…).

Voyons tout de même quelques exemples de scénarios avec les risques associés et auxquels on ne pense pas toujours.

Scénario 1 : pas de langue commune entre les participants

La solution classique consiste en l’utilisation d’interprètes. Cela règle certes le problème de la langue, mais pas celui de la culture comme nous le verrons dans la partie suivante..

Exemple 1

Un Japonais qui dira « hai » sera traduit littéralement par « oui » par l’interprète. Toutefois lorsque l’on sait que les Japonais disent rarement « non » même en cas de désaccord, peut-on vraiment considérer qu’il est d’accord et que le message est passé ?

Exemple 2

Interpréter un Suédois qui ne dit rien car intimidé par des Français en plein débat ne va pas vraiment régler le problème !

Scénario 2 : langue commune qui n’est pas la langue maternelle d’au moins l’un des participants
A. Le cas des participants qui « parlent bien la langue »

Il existe bien entendu plusieurs niveaux de maitrise d’une langue étrangère et il s’agit ici d’adresser le cas spécifique de ceux qui parlent couramment la langue employée lors de la réunion mais qui pourtant peuvent éprouver des difficultés à s’exprimer, notamment si confrontés à des natifs.

En effet, si l’on a discuté avec cette personne au téléphone, par e-mail ou en face-à-face sans jamais que le langage ne soit un problème, il est normal et logique de supposer que tout ira bien lors d’une réunion et qu’un interprète n’est pas nécessaire. Pourtant une réunion est un contexte plus stressant que le quotidien, avec des objectifs, des décisions à prendre, des arguments à énoncer, voire des débats. Et si certains participants maitrisent véritablement la langue commune (notamment lorsqu’il s’agit de leur langue maternelle) alors il peut être très difficile pour quelqu’un même parlant couramment de prendre sa place dans la conversation. Il suivra sans problème le déroulement des évènements mais aura du mal à participer activement : il lui faut alors presque demander aux personnes présentes de se taire pour avoir le temps d’exposer ses idées !

Le risque est donc que certaines personnes compétentes ne participent pas (car n’oublions pas que le niveau de compétence interculturelle et linguistique n’a rien à voir avec les compétences de l’individu pour son travail). Pire : que son manque de participation soit interprété comme une absence d’intérêt ou une approbation silencieuse ! (Le syndrome « il parle bien la langue donc s’il ne dit rien c’est qu’il n’a rien à dire ou qu’il s’en fou ! »)

B. Commettre des erreurs

Il existe un risque d’erreurs de la part des membres dont la langue commune n’est pas la langue maternelle, avec des conséquences plus ou moins graves.

Prenons par exemple le mot « globalement » en français, qui sert à la fois à désigner quelque chose à l’échelle mondiale mais aussi à résumer ses propos. Dans ce dernier cas de figure, certains utiliseront (à tort) le mot « globally » en anglais. Ajoutons au tableau des Suédois dont la culture pousse à éviter les conflits et qui ne souligneront donc pas l’illogisme de la phrase, ou bien des Américains dont l’anglais est la langue maternelle et qui ne connaissent pas la langue française d’où provient l’erreur, et l’information risque d’être mal comprise !

Des cultures différentes

Le deuxième élément important lors de réunions multiculturelles et multilingues touche aux cultures présentes. Il s’agit là de quelque chose de beaucoup plus théorique que les langues et nettement plus difficile à identifier car n’apparaissant pas au premier abord. En outre, l’impact est souvent tardif et plus ou moins indirect (autrement dit lorsque les problèmes surgissent il est difficile de les lier à des difficultés d’ordre culturel).

Tout cela contribue à une sous-estimation générale de l’impact de la culture dans la communication, et plus encore dans le cas de participants aux cultures dites « proches » (culture européenne, occidentale…) et/ou en la présence d’une langue commune. C’est l’attitude « on se comprend lorsque l’on ouvre la bouche donc le message passe forcément », ce qui est faux comme nous allons le voir plus bas : attentes différentes, utilisation différente du langage et de la communication non-verbale (qui représente au moins 50% du message et est donc toute aussi, si ce n’est plus importante encore, que ce qui est dit), etc.

Ajoutons des solutions moins établies et connues que pour les langues et qui demandent souvent un travail long-terme et/ou des qualités personnelles difficilement transmissibles (humilité, ouverture d’esprit, patience, tolérance…), et on comprend aisément qu’il s’agit là d’un aspect bien plus problématique que les langues.

Voyons donc quelques éléments qui diffèrent d’une culture à l’autre et peuvent conduire à une mauvaise interprétation des comportements des participants, des tensions, une mauvaise « lecture de la salle », des difficultés à gagner le respect et la confiance de ses interlocuteurs ou toute autre forme d’incompréhension.

Incompréhension potentielle 1 :
le but de la réunion

Sommes-nous là pour partager des informations ? Prendre une décision ? Apprendre à se connaitre ?

Le but de la rencontre est l’une des sources majeures d’incompréhension car si les participants arrivent tous avec une idée claire de pourquoi ils sont là, ils supposent (souvent inconsciemment) qu’elle est identique pour tous. Or ce n’est pas toujours le cas.

Par exemple :

Les décisions en Suède prennent la forme de consensus et nécessitent donc une réunion pour être prises, là où les managers Français auront plutôt tendance à décider seuls (une réunion ayant alors pour but l’échange d’idées).
Toujours en France, une réunion avec plusieurs niveaux hiérarchiques ressemblera plus à un partage d’informations de haut en bas qu’à une discussion.
Des Chinois voudront, lors d’une première rencontre, avant tout apprendre à connaitre leurs homologues : inutile d’essayer d’atteindre un accord sur un sujet à ce moment !
Incompréhension potentielle 2 :
les manières de communiquer

Est-il préférable de conserver une attitude calme et neutre en toute circonstance ? Devrais-je regarder mon interlocuteur dans les yeux ? Puis-je contredire et débattre avec les participants ?

Chaque culture a sa façon de discuter et il est très facile de mal interpréter les comportements qui en résultent.

Les Français par exemple vont tous vouloir exposer leurs idées, leurs arguments, puis ils chercheront le débat et n’hésiteront pas à montrer leurs émotions. Il est alors très facile pour eux d’interpréter le stoïcisme des Suédois en face comme un manque d’intérêt, tout comme les Suédois auront tendance à juger l’emportement de leurs interlocuteurs comme un manque de professionnalisme, sans même parler de leur réticence à entrer dans le débat!
Un autre exemple : des participants dont la culture valorise le fait de se regarder dans les yeux (signe d’attention, de confiance en soi et de respect) en présence d’individus qui voient ce comportement comme agressif. Le résultat est le même : la communication ne fonctionne pas..
Incompréhension potentielle 3 :
les manières de s’exprimer

Devrais-je compter sur les connaissances de mon interlocuteur et ne partager que les informations essentielles ? Est-il important de formuler mes phrases en tenant compte de leur impact sur la personne en face ?

Les mots que l’on peut/devrait ou non prononcer varient d’une culture à l’autre. Et donc comprendre ce qui est prononcé est donc très différent de comprendre ce qui est dit, ce qui nous ramène aux limites dans l’emploi d’un interprète présentées précédemment.

Des participants d’Extrême-Orient vont éviter d’employer le mot « non » ou de contredire directement leur interlocuteur, même s’ils ne sont pas d’accord. Par conséquent leur « oui » s’apparente plus à « j’entends / je comprends » plutôt que « je suis d’accord ». Par extension les cultures dites « diplomatiques » vont tourner autour du pot et sembler peu claires à des cultures plus directes qui elles vont sembler agressives ou manquer de raffinement.
On pourrait aussi mentionner le concept de « Contexte » introduit par Edward T. Hall (High/Low Context Culture), qui indique que la quantité d’information partagée pour un même message / objectif varie d’une culture à l’autre, conduisant certaines personnes à donner trop d’informations et d’autres pas assez.
Incompréhension potentielle 4 :
la relation au temps

Est-il nécessaire d’arriver à l’heure ? Les autres participants sont-ils prêts à rester plus longtemps que ce qui était prévu ?

La notion de ce qui est acceptable ou non au niveau du temps alloué à une réunion est l’une des principales sources de tensions entre individus de différentes cultures, tant il s’agit d’un élément profondément ancré dans l’inconscient des participants.

Une bonne part des gens considèrent la ponctualité comme une marque de politesse (ne dit-on pas en français qu’il s’agit là de la politesse des rois ?). Mais d’une part ce n’est pas le cas de tout le monde et être à l’heure peut être vu comme de l’empressement et une forme d’agressivité dans certaines cultures, et d’autre part la tolérance au retard est très variable d’une culture à l’autre (et parfois d’un contexte à l’autre). En Suède, jusqu’à 5mn de retard sont acceptables en moyenne, là où la France se situe plutôt dans les 15mn (et encore : dans un contexte non-professionnel, comme une fête, il est de bon ton de ne pas être à l’heure !).
On pourrait aussi parler du temps alloué à la réunion : à nouveau, les Suédois auront tendance à s’en tenir à ce qui était prévu et à essayer de faire le maximum sur ce créneau avec l’idée que le temps de chacun est précieux et que l’on ne peut demander plus que ce qui était prévu. À l’inverse, les Français n’hésiteront pas à faire durer la rencontre s’ils estiment que de meilleures solutions peuvent être trouvées, ou s’ils apprécient la compagnie de leurs interlocuteurs et souhaitent passer plus de temps avec eux.

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