Conseils,  Livre / Ecriture

10 conseils pour écrire un roman

6.
Maitrisez la « suspension consentie de l’incrédulité »

Pour ceux qui savent de quoi il s’agit, vous pouvez sautez ce paragraphe et le suivant. Pour les autres, un petit rappel. Imaginez une critique du livre « Le Seigneur des Anneaux » qui lise quelque chose comme « note : 02/20 – Tolkien nous propose une histoire abracadabrante mêlant créatures qui ne peuvent tout bonnement pas exister et un anneau qui contrôlerait son porteur… Du grand n’importe quoi. ». Ou bien un avis sur Harry Potter du style « Note : 05/20 – Non Madame Rowling, les enfants de 11 ans n’agitent pas un morceau de bois en l’air pour faire apparaitre des choses ! ». Ce serait totalement ridicule et on accuserait le rédacteur de ne pas être « entré » dans le monde qu’on lui proposait et de se cantonner à des références du monde réel : autrement dit cette personne n’aurait pas « suspendu son incrédulité ».

La suspension consentie de l’incrédulité désigne donc ce mécanisme presque automatique (du coup le mot « consentie » peut prêter à débat) où le lecteur/spectateur oublie le monde réel pour se plonger dans l’univers de fiction et en épouser les règles. C’est grâce à cela que l’on peut vivre intensément des histoires pourtant parfaitement irréalistes !

Maintenant que nous sommes sur la même longueur d’onde, pourquoi est-ce si important ? Parce que rien ne tue les émotions des lecteurs et ne ruine l’expérience que l’on cherche à proposer que des illogismes dans ce domaine. Par exemple si tel personnage est magicien et peut créer de la glace, pourquoi n’utiliserait-il pas son pouvoir pour sauver son ami de cette maison en flammes ? Il vous faudra fournir une bonne raison à cela, au risque de voir les lecteurs « sortir » de votre univers (c’est-à-dire se souvenir que c’est une fiction et donc perdre toute empathie pour les personnages, toute émotion pour les enjeux du scénario, etc.), celui-ci ayant tout à coup perdu sa crédibilité.

Les choses peuvent rapidement se transformer en usine à gaz. Prenons l’exemple des séries télévisées pensées pour quelques épisodes : tout se tient, jusqu’à ce que les producteurs décident de rajouter une saison ou deux. On assiste alors à un festival de surprises, révélations et informations sur le fonctionnement du monde fictif, plus ou moins bien amenées suivant les compétences du scénariste et l’histoire développée jusque-là, qui doivent permettre d’étendre l’arc narratif (pour ajouter des épisodes) tout en restant logique.

Dans le cas d’un livre, la difficulté provient du fait que vous avez probablement en tête des scènes-clé très claires (protagonistes présents, contexte, mise en scène, émotions recherchées…) mais éclatées sur toute l’aventure, et il va falloir les implémenter dans le monde créé en les modifiant au minimum afin de conserver l’effet voulu.

Malheureusement, en général au moment d’inclure cette scène, vous allez réaliser qu’elle n’est pas logique : si une vraie personne était dans la situation décrite, elle pourrait par exemple trouver une solution plus simple/moins tragique/moins longue etc. Dites-vous que vos lecteurs y penseront et qu’ils voudront savoir pourquoi les choses se passent comme vous le décrivez s’il existe une manière plus efficace.

Poursuivons avec mon exemple du magicien contrôlant la glace : dans votre tête, vous saviez très tôt qu’il contrôlait ce pouvoir et qu’à un moment son ami DEVAIT mourir dans un incendie, pour les besoins du scénario. Tant que les deux éléments sont détachés tout va bien, mais lorsqu’il vous faut rédiger la scène de l’incendie, le problème se pose : pourquoi diable notre héro n’utilise-t-il pas sa magie ?

Vous devez donc identifier ces illogismes le plus tôt possible pour ne pas vous retrouver à bricoler des explications bancales (critique classique des séries TV/anime/mangas et autres œuvres à rallonge), et être constamment sur le qui-vive pour ne pas laisser d’autres illogismes émerger lors du processus d’écriture.

Dans mon cas, c’est certainement ce qui m’a donné le plus de mal car je m’en suis rendu compte tardivement. Sans vouloir divulgâcher l’histoire, je peux par exemple parler de Glaide partant seul à la recherche du maitre de l’Iretane (une école d’escrime) ; un élément du récit que j’avais en tête dès le début. Mais comment justifier qu’il parte seul ? Comment expliquer qu’il doive absolument rencontrer ce maitre-là et pas un autre, plus facile d’accès ? Pourquoi ce maitre est-il si difficile à trouver ? Et parce que cet élément du récit ne pouvait pas être modifié sous peine de changer complètement l’atmosphère et les enjeux du scénario, j’ai dû ajuster d’autres passages pour rendre le tout cohérent et crédible.

Essayez donc d’identifier le plus tôt possible, dans un premier temps, les illogismes potentiels qui risquent de sortir les lecteurs de votre univers, puis corrigez-les (supprimer/modifier la scène, ajouter des explications pour justifier les évènements…). Dans un second temps, essayez de lire ce que vous écrivez avec un œil extérieur : étant donné les informations fournies jusque-là (règles du monde fictif, caractère des personnages…), est-ce que ce que je décris se tient ? Et enfin une relecture finale de toute l’aventure en se concentrant sur sa cohérence est aussi une bonne idée.

Pages : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.